
Non, le Christ du calvaire de Colonard-Corubert n’a pas été volé. L’explication de sa « disparition » est plus surprenante : il sauve des abeilles noires du Perche qui se sont installées… dans son corps. Le Christ vous raconte son histoire peu banale.
Je suis le Christ du calvaire de Colonard-Corubert (Orne, commune nouvelle de Perche-en-Nocé), situé au croisement de la D9 et du chemin des Quatre vents. Je mesure 1m60 environ, et du haut de ma croix de cinq mètres, je suis un élément du paysage bien connu des randonneurs.
Oui, mais voilà, il y a trois semaines, je suis tombé de mon perchoir. Un coup de vent ? La rouille des fixations qui me reliaient à ma croix de granit ? Peut-être. Mais il pourrait y avoir une autre explication : de mémoire de villageois, depuis plus de cinquante ans, l’intérieur creux de ma statue abrite une ruche d’abeilles noires du Perche, avec le surplus de poids que cela implique (notamment les 20 à 50 kg de miel qu’elles ont stockés dans ma carcasse de métal).
30 000 individus
De plus, elles seraient plus de 30 000 à bourdonner dans mon poitrail. « Il y a environ 50 000 abeilles dans une ruche en bonne santé », estime ainsi un apiculteur amateur du Perche qui m’accueille chez lui depuis ma chute.
Car, habituellement, « mes » abeilles ne sont pas agressives. Elles ne gênent donc pas les promeneurs qui passent à proximité. Mais là, déboussolées, énervées, piquées au vif, les insectes ont attaqué quelques passants. On comprend le choc pour ces petites butineuses !
Le maire de Colonard-Corubert a été averti et a contacté cet apiculteur, qui est venu me récupérer une nuit avec quelques collègues à lui. Si bien qu’une habitante les a pris pour des extraterrestres avec leur combinaison !
Je suis une ruche naturelle, insolite et inattendue, selon l’apiculteur amateur :
« Les essaims sauvages sont de moins en moins nombreux. Les abeilles noires sont faites pour le Perche, mais cet essaim doit être très robuste car la statue est en tôle d’acier, il y fait très chaud l’été et très froid l’hiver, et l’intérieur est exigu. Ce n’est pas un endroit normalement adapté pour une ruche, mais quand elles se plaisent quelque part, elles y restent. Cela montre que cette communauté fonctionne bien et qu’elle a trouvé un équilibre. »
Retour au printemps
Que va-t-il se passer pour moi, désormais ? La saison étant trop avancée, mon apiculteur ne peut pas tenter de transférer l’essaim dans une ruche disons « traditionnelle ». Devoir reconstruire leur habitat risquerait en effet de leur être fatal à cette période de l’année. Elles sont encore actives, mais l’hivernage ne va pas tarder.
L’idée est donc d’attendre le prochain printemps pour faire en sorte que la reine migre vers une nouvelle ruche, et que le reste des abeilles la suive. Et je pourrais alors reprendre ma place au calvaire de Colonard-Corubert.
Il y a peut-être une autre solution. L’apiculteur qui me garde temporairement étant un adepte de l’apiculture naturelle, c’est-à-dire sans récolter le miel des abeilles, il émet la proposition que je reste une ruche sauvage et non exploitée par l’Homme. Une ruche de biodiversité plus précisément, qui participerait à la conservation de cette espèce, et pourrait même être une curiosité touristique pour le village.
Ce serait une manière de mettre en valeur cette ruche « bénie des dieux », et qui pourrait peut-être intéresser le Parc naturel régional du Perche, qui sait ?
Au final, le plus embêté dans cette histoire, c’est Philippe Perrin, le propriétaire du terrain où se situe mon calvaire. Eh oui, il devra trouver une entreprise capable de remonter mes 90 kg sur la croix. Et, pour l’instant, il ne sait pas à quel essaim se vouer.
Source : Raphaël Hudry pour Actu.fr